Les pharma-formations de Mathilde : La sécheresse oculaire
Avec les pharma-formations de Mathilde, 3S Santé vous apporte des conseils à appliquer en officine. Des articles techniques qui pourront vous être utiles au quotidien
– Mathilde, Pharmacienne expérimentée
Pathologie fréquente et souvent chronique évoluant par poussée, le syndrome de l’œil sec touche près d’un tiers de la population adulte et surtout les femmes et les sujets âgés.
Tout savoir sur la sécheresse oculaire
Qu’est-ce que la sécheresse oculaire ?
C’est une affection caractérisée par une production insuffisante de larmes ou une altération de la qualité des larmes. Le film lacrymal forme une barrière devant la cornée destinée à la protéger, l’humidifier et la nourrir. Celle-ci est composée de trois phases :
- La partie muqueuse a une texture gel et est synthétisée par les cellules à mucus. Elle contient des mucines qui permettent l’adhérence des larmes à la surface oculaire.
- La partie aqueuse est sécrétée par les glandes lacrymales. Elle est composée d’électrolytes et de protéines.
- La partie lipidique est produite par les glandes de Meibomius. Elle recouvre la partie aqueuse et limite son évaporation.
Comment expliquer la sécheresse oculaire ?
On distingue deux causes :
- Par déficit en larmes : l’âge, un déficit hormonal (ménopause) ou la prise de certains médicaments (les psychotropes par exemple) entraine une hyposécrétion.
- Par instabilité du film lacrymal : la partie lipidique et/ou la partie muqueuse est atteinte, ce qui provoque une hyper-évaporation.
Les facteurs favorisants sont la prise de certains médicaments (rétinoïdes, atropiniques), l’environnement (pollution, climatisation, écrans), certaines pathologies (polyarthrite rhumatoïde), la chirurgie ophtalmique, le laser, le port de lentilles de contact…
Les symptômes sont des signes non spécifiques comme la sensation de grains de sable, de brûlures, la présence d’un larmoiement paradoxal et des démangeaisons.
Quelles sont les conséquences et les risques de la sécheresse oculaire ?
la sécheresse oculaire cause un inconfort, une gêne visuelle et augmente le risque de lésions de la surface oculaire. Elle est associée à une augmentation de l’osmolarité du film lacrymal et à une inflammation. Ces troubles peuvent évoluer jusqu’à des affections graves telles que des kératites (atteinte de la cornée), des conjonctivites voire une perte de la vision.
Sécheresse oculaire : quel accompagnement thérapeutique proposer au patient en officine ?
Les traitements locaux : les substituts lacrymaux
La prise en charge dépend de l’importance de la gêne. Les substituts lacrymaux permettent de compenser le manque de larmes, de normaliser l’osmolarité et de lubrifier la surface de l’œil. On privilégie les formes sans conservateur : cela réduit les risques de réactions allergiques et d’irritations, notamment chez les porteurs de lentilles.
En 1e intention : solutions salines et polymères de vinyl
En cas de sécheresse légère, les collyres à base de chlorure de sodium et de povidone ou d’acide polyvinylique sont recommandés. Ce sont des solutions de faible viscosité qui améliorent le confort et la stabilité du film lacrymal. Ces gouttes nécessitent de nombreuses instillations (jusqu’à 8 fois par jour) mais ne gênent pas la vision lors de leur administration.
Exemples à base de chlorure de sodium : Larmes Artificielles® Martinet unidoses, Unilarm®, PhyLarm
Exemples à base polymères de vinyl : Aqualarm™ UP
En 2e intention : dérivés cellulosiques et carbomères
En cas de sécheresse modérée, deux classes thérapeutiques sont conseillées.
- Les polymères de méthylcellulose (hypromellose, carmellose) ont un pouvoir de rétention hydrique élevé et une forte viscosité (permet une bonne couverture de la surface oculaire).
Exemple : Optone® double action yeux secs (contient également du hyaluronate de sodium)
- Les gels de carbomères forment un réseau tridimensionnel capable d’emmagasiner de l’eau. Ils ont un temps de rémanence (durée de résidence dans le film lacrymal) élevé. Leur administrationentraîne généralement un trouble visuel temporaire.
Exemples : Aqualarm™UD (contient également de la povidone), Dexpanthénol Chauvin gel, Optone® double action yeux irrités
En 3e intention : cas de la sécheresse sévère
Les collyrescomposés d’acide hyaluronique et d’hydroxypropyl-guar ont des propriétés mucomimétiques (ils augmentent l’adhérence des larmes à la surface oculaire) et également une longue rémanence. Cela permet de réduire les instillations à seulement 2 par jour. Ces gouttes causent un flou transitoire.
Exemples composés de hyaluronate de sodium : Aqualarm™ U.P. Intensive, Aqualarm™ Intensive UD, Hylo Confort®, Hylo Confort® plus, Larmecran®
Exemple composé d’hydroxypropyl-guar : Systane™ Balance
Les émulsions lipidiques forment ungroupe hétérogène de composants (triglycérides, phospholipides, dérivées d’huiles minérales ou végétales…). Elles sont utilisées lorsque la partie lipidique du film lacrymal est insuffisante (en cas de dysfonctionnement des glandes de Meibomius par exemple).
Exemples : Zaspray® (contient également du hyaluronate de sodium), Innoxa spray yeux très secs et fatigués (contient également de l’acide hyaluronique et de l’Aloe Vera)
Les osmorégulateurs (lévocarnitine, érythritol, tréhalose) protègent les cellules épithéliales de la cornée contre le phénomène d’hyperosmolarité qui endommage leur fonctionnement.
Exemples : Théaloz® duo gel (contient également du hyaluronate de sodium et des carbomères), Innoxa gouttes oculaires hydratantes incolore (contient également des eaux florales de bleuet, de mélilot, de camomille et d’euphraise)
Conseils complémentaires
Ces collyres s’utilisent selon les besoins, à la demande. Il est possible d’alterner entre différentes classes en fonction des situations : en cas de conduite de véhicule, on conseille l’utilisation de collyres liquides qui ne génèrent pas de troubles de la vision ; les collyres visqueux, eux, sont recommandés en cas d’exposition à des facteurs aggravants (écran, médicaments, lentilles de contact…) ou avant le coucher.
Avant chaque application, on suggère d’effectuer un lavage oculaire pour éliminer les résidus des précédentes applications.
On conseille également de réduire les facteurs favorisants de la sécheresse oculaire : bien s’hydrater, humidifier l’air ambiant, se protéger du vent avec des lunettes, prendre des pauses régulières devant l’écran, cligner fréquemment des paupières, éviter la fumée de tabac et la climatisation.
Le masque oculaire chauffant peut être utile en cas d’insuffisance meibomienne. La chaleur fluidifie les sécrétions lipidiques des glandes de Meibomius. Ensuite, le massage du bord des paupières permet de libérer ces sécrétions à la surface de l’œil.
Place des compléments alimentaires
Ils peuvent offrir un soutien précieux pour la santé des yeux. En fournissant des nutriments essentiels, ils contribuent à l’amélioration de la qualité et de la production de larme en agissant sur la cascade inflammatoire et en protégeant les cellules oculaires contre les dommages oxydatifs.
Alphalarm® du laboratoire Densmore contient de l’huile de bourrache (riche en acide gamma linolénique), de l’huile de poisson (riche en oméga 3) et de l’acide alpha-lipoïque qui contribuent à l’amélioration de la couche lipidique. Ce produit contient également un extrait de Tagetes erecta ou Rose d’Inde, (riche en lutéine, antioxydante), du zinc, des vitamines C et E (antioxydants) et des vitamines B2 et B3 (contribuent au maintien de la santé de la cornée).
La posologie est 1 capsule par jour, au cours d’un repas. Il est déconseillé aux diabétiques ainsi qu’aux femmes enceintes et allaitantes.
Le complément alimentaire dioptec® du laboratoire Dergam est composé d’huiles d’onagre et de poisson (apport en oméga 3 et 6), d’extrait de raisin, de vitamines C et E, de zinc et de sélénium (antioxydants, luttent contre le stress oxydatif) et de vitamine B12 (contribue à la santé du système nerveux et notamment du nerf optique).
La posologie est 2 capsules par jour.
Hydrofta® renferme de la vitamine A (bêta-carotène dont la carence est un facteur de sécheresse oculaire), des vitamines C et E, du zinc et du sélénium (antioxydants), du cuivre (cofacteur enzymatique) et des acides gras essentiels apportés également par la présence d’huiles de bourrache et de soja. La posologie est 1 capsule par jour de préférence pendant un repas. Ce produit n’est pas recommandé chez les femmes ayant des antécédents de cancer du sein (présence de soja) ni chez les gros fumeurs (bêta-carotène).
Des solutions sont facilement accessibles en pharmacie pour cette pathologie fréquente. Cependant, en cas de signes de gravité (douleur, impact sur l’acuité visuelle, photophobie) ou de persistance des symptômes de sécheresse oculaire (notamment chez les porteurs de lentilles), une consultation médicale devient impérative.
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